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Comité de lecture des Notes Bibliographiques: propos sur le vif

Un jeudi comme un autre, 9h du matin. La petite clochette de la porte d'entrée s'agite frénétiquement au rythme de l'arrivée des quelques 60 membres du comité de lecture

La lecture comme euphorisant.

« Le comité est ma respiration, mon bol d'air de la semaine ». Cri du coeur de C.M., l'une des fidèles parmi les fidèles. A vélo, à pied, en métro ou en voiture, rares sont ces drogués de lecture qui manquent le rendez vous hebdomadaire de la rue Violet où chaque fois le livre est à la fête. Une matinée de découvertes chaque fois renouvelées, d'échanges animés qui se préparent toute la semaine. Car ici, si on a plaisir à lire, on ne lit pas que pour son plaisir. Une nuance de taille.

Du sérieux et de la rigueur.

Tout nouveau chef de groupe, Anne-Marie est arrivée au comité l'année dernière comme première lectrice mais a vite pris du galon. Elle se souvient de ses débuts « Lorsque j'ai proposé ma candidature, envoyée par la bibliothèque du Cherche-Midi, j'ai été reçue par Xavier,notre rédacteur en chef du secteur adulte. Il m'a posé beaucoup de questions et a bien insisté sur les exigences de sérieux et de régularité que le comité demandait à ses lecteurs. J'ai eu l'impression de passer un véritable entretien d?embauche. J'ai bien compris que j'étais prise à l'essai et que je devais faire mes preuves. Cela m'a favorablement impressionnée. Pas question de faire du dilettantisme ».

Une ouverture d'esprit.

Premier lecteur puis chef de groupe et à nouveau premier lecteur en fonction de ses disponibilités, Michèle a pratiqué, en plus de vingt-cinq ans toutes les casquettes. C'est une des figures du comité, une routarde de la lecture.

Nous ne choisissons pas les livres que nous devons lire, c'est paradoxalement une des grandes richesses de ce travail. Cela nous amène à prendre de la distance par rapport à nos goûts, nos convictions, à sortir de notre point de vue subjectif, à prendre en compte un lectorat différent. Nous découvrons de nouveaux genres, de nouveaux auteurs. C'est une véritable ouverture d'esprit qui nous est proposée. Je suis une boulimique de lecture. Mais, lorsqu'on est chef de groupe, on lit tellement et tellement vite qu'on finit par tout oublier .Je préfère de loin une première lecture plus lente et plus approfondie! Et j'aime aussi lire pour moi-même, en égoïste ».

Des échanges entre passionnés.

Agnès est plus récente dans le comité. « Je trouve  merveilleux de travailler dans un domaine qui me passionne, de voir passer toute l'actualité littéraire, d'avoir des échanges qui sont d'un bon niveau intellectuel avec des personnes tout aussi passionnées que moi. J'ai, avec la lecture un rapport quasiment physique. J'adore défendre mon point de vue, prendre fait et cause pour un livre. Quand j'étais première lectrice j'étais toujours très déçue si le second lecteur n'était pas d'accord avec moi. J'essaie de m'en souvenir en tant que chef de groupe. Je n'aime pas jouer les maîtresses d'école »

Lire pour les autres.

Philippe ( car il ne faut pas oublier qu'il y a aussi des hommes dans le comité de lecture, ils sont même de plus en plus nombreux ) a rejoint le comité il y a environ un an. « C'est une grande chance qui nous est donnée de pouvoir lire un livre par semaine. Je me suis vite aperçu qu'on lit de façon très différente quand on lit pour soi ou quand on lit pour les Notes. C'est un exercice de rigueur intellectuelle et morale plein d'enseignement. Et, quand on est nouveau, le groupe est un support et un guide efficace. Les discussions, parfois animées sont riches d'enseignement. Il faut savoir accepter de remettre en cause son point de vue ».

Un exercice intimidant.

« Lorsque je suis arrivée comme première lectrice, raconte Anne, j'étais, au début très impressionnée. J'avais toujours peur de me tromper sur la valeur d'un livre, peur parfois de dire vraiment ce que j'en avais réellement pensé, de me laisser entraîner soit par mon enthousiasme, soit au contraire par mon peu d'intérêt. Peur aussi de dévoiler mon ignorance de certains sujets. Je comptais sur le chef de groupe pour rattraper les bourdes que j'aurais pu faire. Puis, peu à peu, j'ai pris de l'assurance. Ma plus belle récompense était de voir, repris en grand groupe, mes propres mots. Ce qui me plaît, c'est aussi le côté un peu théâtral de cette grand-messe qu'est le grand comité. Je me dis que je participe à une cérémonie privilégiée dont nous sommes tous partie prenante et que je suis une petite fourmi qui apporte sa pierre à l'édifice. Cela m'impressionne de voir que certaines lectrices sont là depuis plus de vingt ans et sont toujours aussi passionnées.

Depuis que je suis chef de groupe toute ma semaine tourne autour de la lecture. Les soucis sont gommés, passent à l'arrière-plan ».

 Une école d'écriture.

« Non seulement les soucis confirme M. mais aussi la vie sociale. Adieu sorties et dîners. Mon appartement n'est pas un modèle d'ordre, le repassage s'accumule, les piles de livres aussi. Il n'y a pas de temps à perdre quand on doit lire trois voire quatre livres par semaine. J''en ai  toujours un à la main ou dans mon sac. Je lis partout et dès que j'ai un moment libre y compris dans le bus ou dans le métro. Bien sûr cela suppose d'ingurgiter un certain nombre de navets. Mais c'est le lot de tout travail sérieux et cette obligation même ne rend que plus délicieuse la découverte de pépites insolites. Surtout si elles sont passées inaperçues des medias.

Il y a ensuite le plaisir de travailler en équipe sur la rédaction d'une analyse, de discuter avec les premiers lecteurs. Les règles qui nous sont imposées nous obligent à leur réclamer une  concision de plus en plus maîtrisée. C'est une excellente discipline, une véritable école de l'écriture. Il est hors de question d'accepter des analyses d'humeur. Il faut choisir chaque expression avec soin pour qu'elle reflète le plus justement possible l'ouvrage, en explicite avec le minimum de mots le contenu, les qualités et les défauts tant sur le fond que sur la forme. Ce n'est pas quelque chose qui s'obtient du premier coup. De plus il faut composer avec les différentes sensibilités, négocier chaque mot. C'est à la fois usant et passionnant. Et nous sommes tous conscients que nous laissons parfois passer, par manque de temps, de rigueur, ou peur de blesser le premier lecteur, des analyses insuffisamment travaillées ou trop subjectives.

Au service des bibliothécaires.

Laissons au rédacteur en chef le mot de la fin « Nous ne sommes pas là pour lire de bons livres mais pour faire de bonnes analyses » Le travail est donc ardu. Le bénéfice retiré compense largement, au dire des intéressés, tout le mal qu'ils se donnent. Les personnalités sont riches et les échanges toujours fructueux. Tous les fous de lecture qui aiment aussi écrire peuvent en faire l'expérience dès demain.